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Samusocial

Les équipes mobiles d’aide : premier contact avec le public sans abri

15/09/2017

On les voit de loin, avec leurs vestes bleues… vous les avez sûrement déjà croisés en rue, …ou vous avez déjà aperçu leurs camionnettes…et si vous ne les avez pas vus, peut-être avez-vous déjà entendu parler de la maraude !

Rafaël Duverlie est coordinateur des équipes mobiles du Samusocial, également appelée « Maraude ». Avec lui, on revient sur l’essence-même de cette mission strictement indispensable : rencontrer les personnes sans abri sur leurs lieux de vie et ainsi gagner une chance d’établir un contact avec eux, tout en gardant un œil sur les plus fragiles d’entre eux.

Du logement à la rue, une chute rapide

Comment se fait-il qu’une personne chute à travers tous les filets de sécurité de notre société ?

Rafaël explique : « c’est du cas par cas. Mais il y a des situations qui se présentent plus fréquemment que d’autres. Les personnes se retrouvent en rue suite à une rupture : perte de travail, de logement, séparation…Souvent, c’est une association de ces facteurs, et alors, la personne entre dans un état dépressif, ne paye plus ses factures etc… »

 Mais les personnes ne s’appuient-elles pas sur leur entourage, leurs familles, leurs amis ? N’y a-t-il pas de « personnes-relais » ?!
« Les personnes n’ont pas de réseau ou ont épuisé leur réseau. Certaines ont déjà fait le tour des maisons d’accueil. Alors, pour elles, selon elles, il n’y a plus de solutions. On observe aussi chez ces personnes une véritable lassitude des démarches. Dans certains CPAS, elles doivent parfois attendre plus d’un mois pour obtenir une carte médicale d’urgence. Or, vous imaginez bien que ces personnes sont déjà très abîmées…L’urgence devient un concept très relatif. En rue, certains essayent de garder une hygiène correcte, d’autres craquent et finissent par se laisser aller. »

Les problèmes de santé mentale mènent-ils les personnes à la rue ou est-ce la rue qui crée des problèmes de santé mentale ?

Rafaël sourit : « c’est-là toute la question. Une chose est certaine : en rue, les problèmes d’assuétude arrivent vite. Lorsqu’une personne se rend compte qu’elle perd pied, qu’elle est « en train de filer »,  alors les problèmes d’alcool et de drogue débutent. Elle ne pense alors qu’à s’ « évader un peu », et lutte aussi contre le sentiment d’insécurité qui les taraude. »

La maraude, c’est avant tout une rencontre (peut-être)

La base de la maraude, Rafaël le répète souvent, c’est la rencontre. Cela peut  parfois prendre du temps : « les gens se méfient de nous. Il faut parfois plusieurs rencontres pour que la personne nous “apprivoise». Dans les centres, les personnes sont chez nous, nous pouvons en savoir plus sur leurs démarches. En rue, c’est plutôt nous qui sommes chez eux. S’ils ne désirent pas nous voir, nous le respectons. Il ne faut parfois pas insister. Certaines personnes ne souhaitent pas d’aide. Elles vont accepter un café, un sandwich, mais vont refuser toute aide d’orientation.»

Certaines personnes affirment vivre en rue par choix, tournant le dos à la société, au système. Rafaël m’explique que les équipes mobiles suivent deux personnes qui correspondent à ce profil. L’un est anarchiste. L’autre a fait partie du «système » qu’il rejette aujourd’hui. Parce qu’il se sent « cassé par ce système », il refuse toute aide du Samusocial, qui pour lui est un produit de ce système. La maraude garde un œil sur ces personnes. Il se pourrait qu’un jour, elles finissent par accepter un plan d’accompagnement.

Autre type de public en rue que la maraude a des difficultés à soutenir : les migrants en transit. Ces personnes ne souhaitant pas rester en Belgique à terme. Notre action auprès d’eux se limite à une veille humanitaire (soins, hébergement des plus vulnérables.) Rafaël explique : « Je pense aux migrants du Parc Maximilien. On les aide aux niveaux des soins, mais on ne peut pas faire plus. Nos partenaires de Bravvo* nous appellent pour les cas médicaux compliqués » Et pour la nourriture ? « C’est impossible d’intervenir à ce niveau-là. Je commande 1500 à 2000 boîtes de thon par mois : si on couvrait le parc,  la commande serait éclusée en une seule foisD’autres associations prennent ce volet en charge, comme la Plateforme de Soutien aux Réfugiés.»

Qui rencontre-t-on le plus en maraude ?

On rencontre surtout des hommes. Et toujours plus de femmes. Une femme en rue sera vite en couple. Pour sa sécurité. Leurs hommes les protègent des autres…mais le souci, c’est que dans certains cas, personne ne les protège de leurs hommes. Le sentiment d’insécurité des femmes en rue est très fort. Attention, en rue la violence des femmes envers les hommes existe également ! »

La maraude : une rencontre…qui permet d’établir un diagnostic sur la situation de la personne, préalable à l’accompagnement et l’orientation.  

La maraude, c’est donc une rencontre ponctuelle entre les personnes sans abri et les travailleurs du Samusocial. Cette mission relève de l’urgence sociale. Mais pas uniquement. « Ceux qui sont dans les centres sont hébergés et bénéficient donc d’un accompagnement médico-psycho-social rapproché. Ceux qui sont en rue n’ont rien. L’objectif de la maraude est d’utiliser la rencontre pour amorcer un travail social avec les personnes. »

 

 

 

 

 

 

Quand ce travail social démarre-t-il ?

« S’il y a une demande de la personne dès la première rencontre, ou si la personne accepte notre proposition, alors le travail social peut démarrer. Si la personne est autonome, on l’oriente et elle effectue ses démarches seule. Ce peut être le cas d’un Belge qui vient d’arriver à Bruxelles et ne connaît pas les adresses, ou de migrants, qui sont souvent valides et ne présentent pas de problèmes de santé mentale (ils vont par exemple chercher seuls leur carte médicale sur base de nos explications.)
Parfois, ce n’est qu’après plusieurs mois, voire plusieurs années que les personnes demandent finalement de l’aide. Ce sont des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Mais lorsqu’elles sont particulièrement en souffrance, elles peuvent changer d’avis :  pendant l’hiver, après une sortie d’hospitalisation. »

 Et si les personnes ne sont pas/plus autonomes ?

« On leur proposera de les accompagner, mais il faut faire très attention à ne pas les rendre dépendantes de ce service : il est très difficile pour la maraude de se lancer dans un travail de « taxi social » pour les personnes valides mais trop alcoolisées pour être autonomes.» 

 Une sortie de rue, cela s’envisage en combien de temps ?

« Cela peut aller vite ! Mais qu’appelle-t-on une sortie de rue ? Une arrivée en Maison d’Accueil ? Une prise en charge par Fedasil ? Une entrée en logement privé ? Les situations sont multiples ! Certains anciens sans abri sont en appartement, de type « Housing First ». Quant aux places en maison d’accueil, le turn-over est assez important. Et le logement privé…c’est assez compliqué : les propriétaires sont souvent  frileux pour louer des biens à des personnes  dépendantes des CPAS.»

Une rencontre qui permet éventuellement de prodiguer des soins

Si la maraude permet d’établir un premier contact qui sera peut-être l’amorce d’un travail social, c’est aussi une occasion unique de prodiguer des soins de première ligne. « Auprès de certains, ceux qui refusent tout travail social, nous ne ferons que des soins. D’autres refusent tout soin et n’acceptent que le travail social, » explique Rafaël.

La majorité des soins en rue porte sur le nettoyage de plaies et la prise en charge des maux de tête. Et puis, en fonction de l’urgence, nous orientons vers d’autres structures, comme le poste de garde Athéna. « Ce centre médical est un partenaire important du Samusocial, car il délivre des attestations de soins, ce qui est pratique pour les demandes de cartes médicales par la suite. » Il y a également les orientations vers les hôpitaux. Mais ce n’est pas toujours simple, explique Rafaël : « Ce qui est compliqué, c’est de convaincre les personnes d’être accompagnées pour être soignées. Souvent, elles ont un problème d’estime de soi. Patienter dans la salle d’attente ou être ausculté(e)  devient difficile quand on sait qu’on sent mauvais. L’attente est vraiment un problème, certaines personnes s’en vont avant même d’avoir été prises en charge. Parfois, elles sont en manque d’alcool. Attention, ne tombons pas pour dans le cliché : certaines personnes en rue ne boivent pas du tout. »

 

Comment envisages-tu l’avenir de la maraude ?

 « Tout le monde connaît la crise que nous traversons actuellement. La maraude, c’est la première ligne de la première ligne. Quand on manque de moyens, c’est elle qui en pâtit en premier.  J’espère donc que les effectifs et les moyens seront suffisants à l’avenir pour garantir une maraude de qualité, tant de jour que de nuit. »

 

Découvrez le portrait de Kevin, éducateur-maraudeur s’est confié au “Brusseleir”: “Kevin, une main tendue dans la nuit” 

 

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