« Ce n’est pas la période elle-même qui est un problème, c’est le système qui la rend problématique. »
05/06/2025
Sonia est psychologue au sein des équipes mobiles d’aide du Samusocial. En première ligne auprès des personnes sans abri, elle évoque un sujet encore trop peu abordé : celui des menstruations. Une réalité physiologique universelle, qui pourtant reste extrêmement problématique pour les femmes en situation de grande précarité.
Les règles — souvent perçues comme sales, honteuses ou gênantes — restent un non-sujet dans notre société. Quand la plupart des femmes peuvent aborder cette période sereinement, les règles des femmes sans abri sont pour elles synonyme d’angoisse, sans accès aux protections ni à l’intimité.
La précarité menstruelle ne se limite pas au manque d’accès à des serviettes hygiéniques. Elle s’étend à l’absence de toilettes propres, d’eau, de lieux sécurisés pour se changer, mais aussi d’informations fiables sur la santé menstruelle. Pour ces femmes, tout cela est souvent hors de portée.
Cette réalité ajoute une couche supplémentaire de violence à des parcours déjà marqués par l’exclusion. Femmes sans papiers, migrantes ou incarcérées sont d’autant plus exposées, victimes de barrières linguistiques, de manque d’éducation ou d’isolement. Le manque d’accès à une bonne santé menstruelle impacte gravement la santé physique et mentale de ces femmes.
Certaines doivent parfois réclamer des protections, un geste humiliant. D’autres improvisent, au péril de leur santé et de leur dignité. Ce tabou public renforce un sentiment de honte et d’exclusion déjà très présent.
Sonia rappelle aussi que cette honte touche aussi les personnes transgenres et non-binaires qui ont leurs règles. Pour elles, la précarité menstruelle s’ajoute à un rejet social plus violent encore. « Ce n’est pas compatible avec le genre perçu, donc demander des protections devient une double difficulté. Le regard des autres, les moqueries ou agressions éloignent ces personnes de tout lien social. La honte devient alors une émotion profondément isolante.”
Ce sentiment s’installe souvent dès l’adolescence. Sonia insiste sur l’importance d’une éducation menstruelle accessible à toutes et tous, notamment aux plus jeunes. Comprendre son corps est essentiel. Sans cela, et dans un environnement difficile, la première expérience des règles peut être traumatisante.
Car sans protection ni espace intime pour se changer, on sèche l’école, on annule un rendez-vous, on évite les interactions sociales. La précarité menstruelle devient un facteur d’exclusion et de marginalisation.
Et le manque d’éducation ne facilite rien : seules 40 %* des personnes ont reçu une éducation formelle sur les règles. Les tabous persistent, la désinformation aussi, et l’isolement s’accentue.
C’est cette réalité, encore trop invisible, qu’il est urgent de rendre visible.
*40% selon unicef Belgium