Crise de l’accueil au Petit Château : la situation est à nouveau intenable
19/07/2022
Depuis des semaines, jusqu’à une centaine de personnes demandeuses de protection internationale dorment devant le Petit Château : parmi elles, on retrouve également des enfants, des Mineur·s Etranger·ère·s Non Accompagné·e·s et des familles. A l’approche du long weekend du 21 juillet, les organisations humanitaires s’inquiètent de voir apparaître une situation intenable dans le courant de la semaine du 25 juillet. Vluchtelingenwerk, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, le Samusocial, le CIRÉ et la Plateforme Citoyenne appellent une fois encore à la mise en place de solutions structurelles respectueuses des droits humains.
Les scènes observées aujourd’hui au Petit Château sont en tout point similaires à ce qu’on y voyait l’hiver passé : jusqu’à cent personnes dormant dehors, dans des conditions extrêmement précaires, parfois pendant plusieurs jours d’affilée. Seule différence : la pluie et le froid ont laissé la place à des températures caniculaires. En attendant, pas de solution en vue de la part des autorités, les demandeur·euse·s de protection internationale – dont nombre ont fui le régime des Talibans en Afghanistan – n’ont d’autre solution que de se tourner vers les organisations humanitaires, qui leur offrent une première aide.
Ces organisations humanitaires observent une dégradation permanente de la situation sur le terrain :
” Depuis les débuts de notre maraude spéciale “Ukraine”, nous assistons à une augmentation spectaculaire du nombre de personnes qui dorment devant le Petit Château, passant d’une vingtaine fin mars à plus de 100 ces derniers jours. Elles passent plusieurs nuits dehors, parfois jusqu’à 15 jours, bien que leurs demandes d’asile aient été enregistrées. Nous rencontrons également des femmes et des familles. Ces personnes ont parfois des problématiques médicales et/ou psychologiques pour lesquelles une nuit en rue n’est pas envisageable. Tous les soirs, nous distribuons des biens de première nécessité (nourriture, boissons chaudes, eau, couvertures) et pour les situations d’urgence, nous tentons une mise à l’abri dans nos centres d’accueil, (sous réserve des places disponibles). Nous sommes aujourd’hui totalement désemparés face à l’ampleur de la demande et des besoins. Jusqu’à quel point laisserons-nous la situation se dégrader ?” s’inquiète Gratien Ruffo, travailleur social au sein d’une équipe mobile de nuit du Samusocial.
L’organisation Vluchtelingenwerk propose une aide juridique – grâce à l’appui d’avocats bénévoles -aux personnes dont la demande d’accueil a été rejetée. Elle observe quant à elle de plus en plus de tensions : “avec l’aide d’un avocat, nous aidons les demandeur·euse·s de protection internationale à obtenir une décision du juge, de manière à ce que Fedasil soit ensuite dans l’obligation de leur octroyer une place. Mais nous constatons que ces personnes doivent attendre plus de deux semaines à compter de la décision de justice avant de recevoir une place d’accueil,” explique Tine Claus, directrice de Vluchtelingenwerk Vlaanderen.
Chez Médecins du Monde, on constate la dégradation de la santé mentale et physique des personnes: “Nous observons des problématiques médicales et/ou psychologiques pour lesquelles passer la nuit en rue est inenvisageable. Pour les cas les plus fragiles, le Samusocial tente de trouver des solutions d’hébergement dans ses centres d’accueil d’urgence, mais ce n’est jamais garanti. La majorité des personnes qui dorment au Petit Château ont un long parcours migratoire, souvent traumatique, derrière elles. Elles ont besoin, – et ont droit à – d’un toît, de soins médicaux, d’un suivi psychologique, d’un peu de dignité,” partage Michel Genet, Directeur général de Médecins du Monde.
Des réponses insuffisantes
La nouvelle secrétaire d’Etat De Moor fait savoir que des solutions vont êtres mises en place. Malheureusement, elles restent insuffisantes :
“La secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration De Moor prévoit la mise à disposition de 750 places dans des tentes, mais seulement en août, et leur déploiement se fera de manière progressive. On peut également s’attendre à ce que ces places soient rapidement saturées, à cause de flux entrants importants et de faibles flux sortants : on estime que pour pouvoir répondre à l’urgence, 1.500 places sont nécessaires. Et pour que la saturation de Fedasil passe sous la barre des 90%, il faudrait une augmentation de 4.000 à 5.000 places, ” rappelle Sotieta Ngo, directrice du CIRÉ.
Enfin, les organisations humanitaires considèrent que l’hébergement en tentes reste une solution inadaptée, qui devrait uniquement être utilisé de manière temporaire. Il suffit de considérer la situation à Lesbos.
Eviter une politique d’accueil basée sur le “double-standard”
Si l’accueil des réfugiés ukrainiens a parfois suscité des critiques, les autorités, à différents niveaux, ont jusqu’à présent fait preuve d’une grande disponibilité, de volontarisme et de créativité, à l’exemple de la récente ouverture d’un hôtel d’une capacité de 100 places.
Ceci illustre toutefois une politique à deux vitesses : alors que les réfugiés ukrainiens sont – à juste titre – aidés relativement rapidement et efficacement, les personnes d’autres nationalités sont envoyées à la rue, ou au mieux, dans des tentes, et ce dans un mois. Sans perdre de vue que Fedasil fait face à un manque aigu et chronique de personnel.
Les organisations humanitaires appellent le gouvernement belge à se concentrer de toute urgence sur la mise à disposition d’un accueil de crise, afin d’éviter à des personnes de dormir en rue et de venir grossir les rangs des personnes sans abri. Une fois ce problème résolu, il convient de mettre en place une politique de l’accueil adéquate et efficace, qui soit structurelle, égalitaire et respectueuse des droits de l’humain.
Quelques pistes d’actions supplémentaires :
- Un bâtiment de la rue du Lombard a été mis à disposition par la Ville de Bruxelles (mais il n’y existe pas d’installations sanitaires et aucune décision n’a encore été prise à ce jour)
- Il était question en mars de la mise à disposition d’un bâtiment d’une capacité de 400 places à Jette, mais le dossier n’a plus avancé depuis lors.