Bed close-new close-new Arrow Bed Facebook LinkedIn Night Phone Search mail Twitter

Samusocial

Harold et Victoria, soigner à quatre mains

12/11/2020

Il est 09h00 ce jeudi matin de septembre. Une file se forme déjà devant l’infirmerie du centre pour demandeurs d’asile de Neder-Over-Hembeek.  De l’autre côté de la porte, Harold et Victoria s’affairent. Ils « sont » le service infirmier de ce centre où se mélangent langues et cultures. Des petits maux du quotidien au suivi médical des patients en collaboration avec le médecin coordinateur, en passant bien sûr, par la gestion de la Covid19, rencontre avec un duo de soignants bien rôdé.

Harold et Victoria, comment s’organisent vos consultations ?

Harold : « On fonctionne avec un système de permanence. Avec la situation migratoire actuelle, c’est la crise de l’accueil sur le réseau Fedasil :  il y a tellement de mouvement dans le centre que c’est impossible de recevoir les patients sur Rendez-Vous. Et puis, au-delà de ça, ils ont souvent un agenda bien rempli, entre leurs rendez-vous administratifs, leurs cours de langue, parfois leur job…donc c’est plus simple comme ça. On les reçoit de 9h à 12h30 et puis de 14h à 16h30. Les gens viennent spontanément, et quand il y a un peu de monde, l’ordre de prise en charge s’organise assez naturellement, en fonction des pathologies. »

Combien de patients voyez-vous chaque jour ? Quelle est votre mission principale ?

Harold : « A nous 2, on peut voir jusqu’à 40 à 50 patients par jour. On fait beaucoup de bobologie, bien sûr. Ces derniers temps, on a une centaine de personnes en pré-accueil. Ces résidents-là ne restent la plupart du temps pas plus d’une semaine, on les voit donc surtout pour les petits maux du quotidien, parfois pour des urgences. Et pour nos résidents de plus longue durée, notre mission principale consiste à veiller à reprendre le suivi de leur santé. Les pathologies principales chez nos résidents restent les problèmes dentaires et les troubles psychologiques liés à leur parcours. Il s’agit donc de les orienter correctement. Quand c’est nécessaire, nous pouvons nous référer au médecin coordinateur du centre. »

De quelle façon collaborez-vous avec lui ?

Victoria : c’est un médecin indépendant qui vient deux fois par semaine pendant une heure, 2h depuis que la Covid est là, en fait. C’est lui qui valide les protocoles. Il s’occupe du suivi des patients qui ont un traitement journalier et de leurs prescriptions, fait la lecture des analyses de sang, il assure le lien avec les services extérieurs, tout particulièrement pour les examens médicaux spécialisés. Dans un sens, on peut dire qu’il est le médecin traitant de nos résidents, même si c’est surtout Harold et moi qui les recevons.  En ces temps de Covid, il nous permet d’éviter de trop nombreux allers-retours avec les maisons médicales, qui sont totalement débordées. Nous, on met tout cela en musique : on établit des réquisitoires à tour de bras. Il faut savoir que le moindre acte à l’extérieur, que ce soit une visite en maison médicale, chez un spécialiste, ou un simple retrait de médicaments à la pharmacie nécessite un réquisitoire. C’est la condition de la prise en charge financière par Fedasil.  On s’occupe également de la prise des rendez-vous à l’extérieur : nos résidents ont rarement un téléphone. Et puis, il y a la barrière de la langue… »

Comment contournez-vous cet obstacle?

Harold : « on se doit de s’assurer que nos résidents comprendront et seront compris par leur interlocuteur… On fait appel à un réseau de traducteurs, on travaille beaucoup avec le SETIS et Bruxelles Accueil. Ces rencontres doivent s’organiser, les interprètes viennent sur le lieu de RdV avec les médecins spécialistes. On travaille beaucoup avec l’hôpital Brugmann, qui a un bon réseau d’interprètes. Et les trois-quarts des cabinets dentaires vers lesquels on oriente les résidents sont polyglottes (arabe, turc, afghan, pachtou…) Ici au centre, Google translate est notre ami. On se débrouille : Victoria parle un peu espagnol, mon vocabulaire arabe se développe, ça fait marrer les résidents.

Quelles sont les autres difficultés que vous rencontrez ?

Victoria : « sans hésitation, les nouveaux venus qui exigent immédiatement une médication lourde pour venir à bout de leurs problèmes psychiques. Le problème, c’est que certains anti-douleurs ou dérivés morphiniques peuvent être apparentés à des drogues. Sans preuve de traitement ni prescription, on ne peut pas les leur donner. Cela donne parfois lieu à de l’agressivité »

Harold : « oui, et les cas disciplinaires. Ce centre reçoit tous les « cas disc » (prononcez « cas 10 ») de l’ensemble du réseau Fedasil. On peut aller jusqu’à 20. Ils sont souvent nerveux, agressifs, parfois alcooliques. Les « cas disc » sont la plupart du temps des « cas psy ». On a déjà été menacés de mort, mais on savait que la personne n’irait pas plus loin ».

Victoria : « sans oublier les actes de désespoir : certains résidents s’auto-mutilent. On voit ça comme des appels à l’aide. Certains résidents se sentent parfois dépourvus, c’est souvent lié à une procédure qui n’aboutit pas, mais on ne peut malheureusement rien faire, c’est dur.»

Et la Covid ? Comment l’avez-vous abordée ?

Victoria : « les résidents ont été assez disciplinés concernant le port du masque. Au début, on n’en recevait pas assez, en tout cas pas assez pour en distribuer un par jour à chaque résident. Avec Elise  et Marina, nous en avons cousu 250 ! »

Harold : « on a rapidement procédé à quelques aménagements dans le centre, avec trois zones distinctes pour nos résidents, touchés de près ou de loin par le virus : un premier sas nous permet d’isoler les vulnérables, une zone-tampon peut accueillir jusqu’à 24 personnes suspectées d’être infectées et quatre containers (aujourd’hui deux) nous servent de zone d’isolement pour les cas confirmés. Quand un résident est testé positif, il est placé en isolement et y reste 7 jours si les symptômes ont disparu après ce délai. Si les symptômes persistent, il reste 7 jours de plus. On n’a jamais eu plus de six personnes dans la zone des cas suspectés et depuis le 05 avril, il y a eu neuf cas avérés dans le centre : finalement, vu les chiffres au niveau national, c’est assez raisonnable. Et puis, on reste prudents : dorénavant, tous les résidents en pré-accueil seront systématiquement testés. Ils représentent un facteur de risque important pour l’ensemble du centre, avec un turn-over assez élevé.»

Et, pour finir… comment se passe la collaboration entre vous deux ?

Harold : « On est complémentaires ! On n’hésite pas à se poser des questions mutuellement. Victoria a une expérience aux urgences hospitalières que je n’ai pas. Je me réfère souvent à elle pour avoir son avis médical. Quant à moi je suis plutôt proactif, je suis assez rapide dans la prise de décisions.  On essaye de rester décontractés malgré les aléas du quotidien…on est plutôt complices ! »

 

close

Newsletter

Chaque mois, recevez l’actualité du Samusocial Brussels dans votre boîte mail. Inscrivez-vous pour recevoir nos newsletters.

Ces informations seront uniquement utilisées pour envoi de la Newsletter à l'adresse indiquée.Vous pouvez vous désinscrire à tout moment en un clic.