Immersion dans le centre d’accueil Botanique
08/08/2019
Aux abords du fameux jardin bruxellois, le centre Botanique du Samusocial héberge des personnes sans abri depuis 2011. Ce centre d’hébergement d’urgence accueille des personnes seules, des femmes et des hommes. Pierre, stagiaire à la cellule Communication, nous partage son immersion sur place.
Mercredi 17 juillet, sous le préau, des fumeurs attendent patiemment devant la porte d’entrée du centre. Il est 18h. Le centre d’accueil de la rue Royale va ouvrir ses portes. Jimmy, coordinateur du centre m’attend à l’accueil, les yeux rivés sur son écran. Il se présente puis me prévient : “Tu verras, ce soir, je pense que ce sera calme.”
Un homme se présente au poste d’accueil, arborant un maillot de football tunisien. Un autre me regarde et me dit : “ce soir, la Tunisie affronte le Nigeria et beaucoup de résidents vont regarder le match. Mais entre nous, la Tunisie ne gagnera pas”. L’équipe du centre rigole et en profite pour taquiner l’un des travailleurs sociaux tunisien.
Jimmy jette un coup d’œil sur la liste des réservations du jour : “il peut entrer”. Il m’explique : “Lorsqu’une personne arrive au centre, on lui demande certaines informations. De cette façon, on connaît rapidement et de manière fiable le nombre de places disponibles. On sait qui est là et qui ne l’est pas.”
Une vieille dame arrive à son tour, très chargée, elle peine à venir jusqu’à nous. Elle nous regarde, l’air épuisée : “l’ascenseur ne fonctionne pas ?..”, la réponse est négative, mais tout de suite, un résident se propose pour l’aider. Nous les suivons tous les deux pour entamer la visite des lieux.
Le réfectoire se trouve au premier étage : une grande salle meublée de longues tables partiellement occupées. Ici, chaque personne reçoit un repas chaud le soir. Une ambiance calme règne sur cette salle. C’est qu’il est encore tôt. Les assiettes du premier service se vident tranquillement, certains bénéficiaires partagent leurs table avec des travailleurs sociaux. Après avoir salué les résidents, Jimmy m’explique qu’il est habituellement difficile de passer d’un étage à l’autre. Deux personnes sont installées sur les marches. L’une au téléphone, l’autre sur Facebook. “C’est le seul endroit où le wifi fonctionne correctement, alors tu te doutes bien qu’il y a du monde !” Le soir, les escaliers se transforment en véritable Cyber-café. Mais une fois de plus : “ce soir, c’est calme.”
En arrivant au deuxième étage, je comprends l’organisation du bâtiment. Les étages dédiés aux hommes sont séparés de celui réservé aux femmes. On m’explique que la distinction des espaces de dortoirs selon le genre est assurée afin de respecter l’intimité de chacun. Chaque étage est identique : toilettes, douches, dortoirs, fumoir. Un travailleur social est à la disposition des résidents à chaque étage. A cet étage, c’est Louis qui est en charge de fournir tout ce dont les résidents ont besoin : savon, shampooing, essuies, papier toilettes, dentifrice, rasoir et brosse à dents, …. Un homme vient chercher du savon en boitant. Il s’arrête, me regarde et me lance : ”Toi, t’es nouveau ! Bienvenu !” avant de s’éclipser prendre sa douche. Une dispute s’entend au loin, Louis intervient. En plus d’être disponible pour certains besoins individuels, il est aussi là pour régler d’éventuels conflits : “un regard de travers, un mot plus haut que l’autre … la plupart du temps ça ne va pas plus loin”. Dans ce cas, il s’agit d’une personne qui aurait emprunté un chargeur de téléphone sans prévenir.
Un à un, les résidents viennent chercher leurs draps, oreillers, couvertures et essuies. Pour ceux qui ne possèdent qu’une seule tenue, des vêtements de rechange sont à leur disposition.
Aujourd’hui, Alain est de service : “ Ici, on rencontre des gens passionnants. Certains ont fait médecine, d’autres ont même écrit des livres.” À l’étage, il fait en sorte que tout soit toujours bien organisé : “C’est très important que les résidents se sentent bien ici. Et pour nous, ça passe surtout par des petits détails. Regarde ma table : tout est propre, ordonné. Ce qu’on veut, c’est donner envie aux résidents de prendre une douche, qu’ils reprennent goût à une hygiène de vie.”
De retour à l’accueil, une dame nous attend : “J’ai rendez-vous avec mon fils pour souper. Il m’attend, je suis déjà en retard !” Jimmy prend note, il convient avec elle de la rappeler à 22h afin de savoir si elle compte toujours passer la nuit dans le centre. En effet, le règlement prévoit que toute place réservée non occupée à 22h peut être redistribuée à d’autres personnes en demande d’hébergement.
Malgré la capacité d’accueil de 300 places, le centre est rapidement complet. Les personnes présentes à la porte à l’ouverture sans avoir réservé leur place sont invitées à repasser par le téléphone (0800.99.340).
22h, les portes se ferment. Le cuisinier nous rejoint, un sourire aux lèvres, une pastèque sous le bras : “T’as d’la chance toi, ce soir ! On a même le temps de prendre une pause ensemble, mais d’habitude on ne s’arrête pas.”
Si certaines nuits peuvent être mouvementées, j’ai eu la chance d’assister à une soirée très calme à Botanique. A mon départ, les étages s’endorment… et déjà, les équipes de nuit préparent le service matinal.