Bed close-new close-new Arrow Bed Facebook LinkedIn Night Phone Search mail Twitter

Samusocial

“Je me sens profondément démuni, et j’ai honte de la manière dont on accueille ces personnes” : Quand la géopolitique internationale s’invite dans l’accueil des personnes sans abri

10/05/2024

Comment se fait-il que des Palestinien·nes fuyant Gaza se retrouvent dans des centres pour sans-abris mal équipés et mal outillés pour une prise en charge adéquate? Il y a quelques jours, un des travailleurs sociaux du centre d’hébergement d’urgence ‘Poincaré’ du Samusocial lançait un cri d’alarme face à la forte augmentation d’arrivées de jeunes Palestiniens : “Ceux qui ont fui Gaza cherchent la sécurité mais se retrouvent en rue, avec tout ce qu’ils ont subi là-bas, auquel s’ajoute le fardeau d’un long parcours migratoire. Certains ont subi des tortures, j’ai vu des cicatrices que j’aurais préféré ne jamais voir, j’entends leurs récits horribles, je lis des rapports médicaux et des attestations de suivis psychologiques extérieurs édifiants,… Comme travailleur social, je me sens non seulement profondément démuni face à cette situation, mais j’ai également honte de la manière dont on accueille ces personnes”. 

Le centre Poincaré, qui accueille près de 300 hommes par nuit, n’est pas adapté à l’hébergement sur de longues périodes et certainement pas pour des publics multi-traumatisés qui ont vécu l’enfer de Gaza, qui sont sur leur portable à longueur de journée pour tenter d’avoir des nouvelles de leurs familles Poincaré est une structure d’hébergement d’urgence pour personnes sans abri avec des chambres communes, des lits superposés, des repas de collectivité et des règles strictes qui visent à faire cohabiter de la manière la plus “harmonieuse” possible des personnes aux parcours, à la culture et à la langue différents. Un défi énorme dans le contexte de saturation actuel, dont l’arrivée massive de réfugié·es palestinien·nes vient encore renforcer la complexité. Et, force est de constater que malgré l’attention médiatique sur le drame qui se joue dans la bande de Gaza, aucune solution spécifique d’accueil ne semble être mise en place pour accueillir les réfugié·es palestinien·nes dans les conditions dignes auxquelles ils/elles ont droit.

“J’ai besoin de stabilité, affirme Ahmed, un jeune Palestinien de 32 ans, qui a introduit sa demande de protection internationale le 29 mars dernier. Je ne suis pas un sans abri, je suis un réfugié, mais l’on m’accorde aujourd’hui uniquement une condition de sans abri. Le Samusocial est une solution temporaire, mais jusque quand? Tous les jours, je peux perdre ma place, pour une personne plus ‘fragile’ que moi. Pour entrevoir un début de solution, un début de nouvelle vie, il me faut une adresse. Je ressens énormément de frustration, je suis très inquiet pour l’avenir, j’ai besoin de m’intégrer.”*

Outre la saturation et le sentiment d’impuissance, le Samusocial est confronté quotidiennement aux conséquences de l’instabilité internationale, les victimes de conflit devenant victimes de politiques migratoires européennes restrictives, avant de devenir victimes de politiques d’accueil fédérales inadéquates. Le système de priorisation des vulnérabilités mis en place par Fedasil pousse aujourd’hui certaines personnes à l’automutilation, dans l’espoir de voir leur demande d’asile traitée en priorité.

“En quinze années de terrain, dans un centre pour personnes sans abri, je n’ai jamais été confrontée à des personnes aussi marquées et en besoin de soutien psychologique si aigu”, partage une référente psycho-médico-sociale , elle-même marquée par les images Whatsapp de Gaza que font défiler en boucle les Palestiniens du centre, afin de sensibiliser nos équipes à ce qu’ils ont vécu et au drame qui se joue là-bas.
Ces travailleur·euses sociaux·ales vivent depuis plusieurs années une succession de crises face auxquelles on leur demande toujours plus. A la crise du COVID durant laquelle les structures d’hébergement et les maraudes ont continué à fonctionner, a succédé cette nouvelle crise de l’accueil, depuis juin 2021, commencée lors de la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan. Une crise qui se caractérise par l’incapacité de notre état fédéral à loger dans des dispositifs adaptés les personnes demandant la protection internationale, comme l’y oblige pourtant la loi Accueil de 2009. L’une des faces visibles de cette crise est l’augmentation de personnes dormant en rue à Bruxelles, que vous croisez le soir, dans les métros, dans des tunnels sombres ou sous les porches de particuliers. Sa face invisible est l’augmentation des tensions dans les centres d’hébergement d’urgence pour personnes sans abri. Une tension qui se répercute d’ailleurs sur d’autres secteurs. Récemment, lors d’une réunion sur l’accueil des personnes médicalement vulnérables, l’équipe de l’hôpital Saint-Pierre nous relayait ainsi sa frustration de s’entendre répondre quotidiennement que l’ensemble des places du Samusocial ou des autres structures étaient occupées.

L’accueil des Ukrainien·nes, fuyant un même conflit, avait pourtant ouvert la voie à des systèmes d’hébergement innovants et adaptés, permettant des accompagnements spécifiques directement connectés aux besoins des personnes. Mais à quelques jours d’une fin de législature délicate, les leçons de l’accueil des Ukrainien·nes semblent bien loin. Nous vivons ce que l’ensemble du secteur craignait, un double standard d’accueil qui est insoutenable pour les équipes. Le point de rupture de nos équipes sociales semble, lui, bien proche.

___

*Dans les centres d’hébergement d’urgence, la priorité d’accès est évaluée sur base de critères psycho-médico-sociaux au regard de l’ensemble des besoins des personnes en demande, ou déjà hébergées

 

close

Newsletter

Chaque mois, recevez l’actualité du Samusocial Brussels dans votre boîte mail. Inscrivez-vous pour recevoir nos newsletters.

Ces informations seront uniquement utilisées pour envoi de la Newsletter à l'adresse indiquée.Vous pouvez vous désinscrire à tout moment en un clic.