Laïla, 68 ans : « En rue, la première préoccupation, c’est se chauffer et se nourrir ».
03/10/2022
« Je suis née au Maroc, j’ai la double nationalité hispano-marocaine. En 1995, après un premier divorce, j’ai commencé à travailler à Las Palmas. J’aidais des personnes âgées à leur domicile. Et puis j’ai rencontré un homme en 2011. Au début, tout se passait très bien entre nous mais ensuite il a voulu que je me prostitue. J’ai refusé, bien sûr, mais les scènes de violence ont commencé à se multiplier, à devenir de plus en plus fréquentes. Il me battait et me forçait à lui remettre mes salaires. Pendant la crise sanitaire, je ne travaillais plus, il hurlait en me demandant de sortir et de ramener de l’argent. J’ai tout abandonné, pris quelques affaires et je me suis enfuie. »
Laïla arrive en Belgique. Elle est hébergée par une amie, mais après deux mois, celle-ci lui demande de quitter son domicile : elle pense que Laïla est une touriste et ne réalise pas qu’en lui demandant de partir, Laïla devient sans-abri. Commence l’errance pour Laïla. « Je suis restée plus d’un mois et demi dans la rue. Il pleuvait, il faisait froid, je ne savais pas où dormir. C’est très difficile la vie en rue, tu dépends des passants. Parfois on te donne un morceau de pain, parfois tu crèves de faim et de soif. Quand les gens me donnaient une pièce, cela accentuait mon désarroi. J’avais conscience que ma vie entière était ratée. Comment suis-je tombée si bas ? J’étais malade, bouffie par le diabète… Bien sûr je ne suivais pas mon régime, je mangeais la nourriture qu’on me donnait, et parfois je ne mangeais pas pendant plusieurs jours d’affilée. J’étais sale, et pourtant, je suis coquette. Mais en rue, ce n’est pas la première préoccupation. C’est avant tout se chauffer et se nourrir.
Et puis, un jour, le vent a tourné en ma faveur : une dame avec qui je conversais dans un parc m’a emmenée au CPAS d’Uccle, où j’ai eu droit à une carte médicale. Une assistante sociale qui parlait l’espagnol m’a orientée vers le Samusocial. Après plusieurs changements de CPAS et plusieurs mois sans prendre mon traitement pour le diabète, le Samusocial a pu débloquer la situation, je bénéficie à présent de l’aide médicale du CPAS de la Ville de Bruxelles. Mes papiers espagnols sont en ordre jusque 2027. D’ici-là je dois être certaine d’avoir régularisé ma situation. Et ensuite, trouver un logement. »