Le Samusocial et la fracture numérique, épisode 1/2 : des ateliers dans notre pôle « Sans-abris »

06/04/2023

Depuis plusieurs années maintenant, le numérique revêt une place majeure dans notre quotidien : certains services publics essentiels passent aujourd’hui exclusivement par l’écran d’un smartphone ou d’un ordinateur. Derrière ce constat se cache une dure réalité : de nombreuses personnes n’ont pas réussi à prendre le train en marche,

Dans son « Baromètre de l’inclusion numérique », la Fondation Roi Baudouin nous apprend ainsi qu’en 2021, 7 % des Belges – soit 592 000 individus – n’utilisent pas Internet dans leur vie quotidienne. Parmi eux, de nombreuses personnes isolées et/ou disposant de faibles revenus, qui demeurent les plus fragiles dans leur maîtrise des technologies numériques. Plus de 8 travailleurs·euses sociaux·ales interrogé·e·s sur 10 estiment d’ailleurs que le passage des services publics au format numérique rend ces derniers difficilement accessibles, voire inaccessibles, pour leurs publics, généralement précarisés sur le plan socioéconomique et/ou culturel.

Vous l’aurez donc compris : se pencher sur la question du numérique dans nos centres d’hébergement s’avère plus que jamais nécessaire pour autonomiser les résident·e·s au maximum et les orienter vers des solutions durables de sortie de rue. Ce combat, c’est notamment celui que mène HOBO. Partenaire de longue date du Samusocial, l’ASBL organise fréquemment des ateliers d’initiation au numérique au sein des dispositifs d’hébergement de notre pôle « Sans-abris ». Aujourd’hui, Daniel, formateur de l’ASBL, a rendez-vous à la Casa Vesta, notre hébergement de transition pour femmes seules et mamans solos. Une dizaine de participantes l’attendent de pied ferme. Au programme : trois jours de formation couvrant, entre autres, l’utilisation d’un smartphone et d’un ordinateur, la prise en main d’un logiciel de traitement de texte ainsi que la navigation sur Internet. Certaines participantes se rendent aujourd’hui sur Google pour la première fois.

« On remarque un réel changement de paradigme », explique Daniel. « Avant, les gens savaient utiliser un ordinateur, et voulaient apprendre à utiliser un smartphone. Aujourd’hui, c’est l’inverse. On rencontre aussi de plus en plus de demandes de formation aux solutions de travail et de stockage en ligne : c’est idéal pour un public qui n’a pas toujours d’appareil à soi ».

Visiblement inspiré par le lieu – la cuisine communautaire de la Casa Vesta – Daniel se lance dans une première explication aux participantes du jour : « Internet, c’est votre marmite, c’est donc un outil. Le couscous, c’est une information ». Dès les premières minutes, sa méthode d’apprentissage saute aux yeux : la vulgarisation, le recours aux images, aux contextes familiers. Un navigateur Internet comme « une voiture qui vous emmène à destination », un site web comme une « adresse postale, mais au format inhabituel ». Si c’est avant tout les bases que Daniel transmet aux résidentes de la Casa Vesta, il ne néglige pas, pour autant, les aspects plus techniques comme les questions de sécurité ou la distinction entre la publicité et le reste de l’information…

Un peu avant la pause de midi, et le partage d’une soupe préparée par les résidentes, Daniel invite Damien, travailleur social de la Casa Vesta, à prendre à son tour la parole. Son objectif ? Présenter aux résidentes un site qui leur sera bien utile dans un futur plus ou moins proche : Immoweb. Derrière les questions de forme se cachent de nombreuses questions de fond : quel loyer suis-je prête à mettre dans un logement ? Une chambre, deux chambres ? Est-ce envisageable de dormir dans le fauteuil pour laisser le lit à ma fille ? Sur l’atelier informatique soufflent soudain des effluves d’entretien social.

Face à nos formateurs, certaines participantes notent frénétiquement, d’autres écoutent d’une oreille plus distraite. Si l’une n’arrive pas à cliquer au bon endroit, sa voisine prend vite les choses en mains. Daniel le sait : chaque public est différent. « Ici à la Casa, je m’adresse à un véritable groupe : la vie en communauté induit beaucoup d’entraide », nous explique-t-il. « Quand je vais à Poincaré, le centre d’hébergement pour hommes isolés, c’est différent. Le premier jour, je rencontre des individus. Le troisième jour, je finis avec un groupe. C’est intéressant : ça souligne le rôle social que jouent nos ateliers. J’y croise parfois des petits génies de l’informatique qui n’ont strictement rien à apprendre, mais qui viennent avec une grande assiduité. Ils se nourrissent de l’échange créé ».

Un jour par semaine, Daniel organise en outre une permanence chez HOBO. L’occasion de se pencher sur un problème plus individuel, comme la configuration d’un compte ItsMe ou l’ouverture d’un compte bancaire en ligne. L’association a également mis sur pied un système de prêt de smartphones pour les bénéficiaires qui le souhaitent.

Dans le prochain épisode, nous prendrons la route de notre centre pour demandeurs·euses de protection internationale d’Etterbeek pour y rencontre Julien, éducateur, qui a fait de l’initiation au numérique une priorité de ses missions.