Les femmes sans abri : une vulnérabilité spécifique
30/12/2024
Les femmes en situation de rue sont souvent perçues comme plus vulnérables que d’autres, en raison de leur exposition aux agressions sexuelles et à la stigmatisation liée à leur genre. Manon, psychologue au sein des équipes mobiles d’aide du Samusocial, met en lumière cette réalité :
Une grande partie des femmes sans abri que les équipes mobiles rencontrent témoigne de violences sexuelles subies, ce qui accentue leur vulnérabilité. Cette fragilité est exacerbée par un profond sentiment de honte qui les empêche de demander de l’aide. Selon Manon, « être une femme sansabri renforce la stigmatisation ; elles ont plus de difficultés à exprimer leurs besoins ou à solliciter de l’aide, que ce soit dans les centres de jour ou auprès des médecins. » L’image stéréotypée du sans-abri, souvent associée à un homme en proie à des problématiques de consommation , masque une réalité bien plus complexe. « On oublie souvent que de nombreuses femmes, des familles et des enfants se retrouvent à la rue. Cette invisibilité sociale aggrave encore leur situation. »
Approche et accompagnement des femmes sans abri
Établir une relation de confiance avec ces femmes nécessite une approche à la fois patiente et bienveillante. Manon souligne l’importance de cet état d’esprit: « Il faut prendre le temps de créer un lien, car leur méfiance, souvent enracinée dans des expériences traumatiques, rend les premiers contacts difficiles. » Cette méfiance est particulièrement renforcée par un passé souvent marqué par des violences conjugales.
L’écoute attentive et la compréhension sont cruciales pour leur permettre de s’ouvrir et d’accepter l’aide dont elles ont besoin. « Il est indispensable de montrer l’absence de jugement et de personnaliser l’accompagnement en fonction de leurs besoins spécifiques. » Manon souligne aussi que l’aspect médical peut servir de point d’entrée pour aborder d’autres dimensions de leur situation. « Parfois, commencer par des questions de santé permet d’ouvrir le dialogue sur des sujets sensibles, comme l’endroit où elles dorment ou leur sécurité. » Cette approche douce et progressive, qui peut parfois nécessiter plusieurs tentatives pour créer un lien de confiance, est essentielle pour assurer une prise en charge efficace. Une fois ce lien établi, les femmes sont – dans la mesure de la capacité d’accueil disponible – orientées vers le centre Louiza, un espace d’hébergement dédié aux femmes seules, où elles peuvent bénéficier d’un accompagnement vers une solution de sortie de rue.
Problématiques spécifiques : précarité menstruelle et manque d’infrastructures
La précarité menstruelle est une autre réalité à laquelle ces femmes sont régulièrement confrontées, bien qu’elles n’en parlent que rarement d’elles-mêmes. Manon note : « Les femmes mentionnent rarement ce besoin spontanément, notamment lors des interventions en maraude, mais il est essentiel de leur demander si elles ont besoin de protections hygiéniques. » Ce sujet, souvent tabou, est facilité par la composition majoritairement féminine de l’équipe.
Pour terminer, Manon attire notre attention sur un point important : « La précarité menstruelle et l’hygiène sont des combats quotidiens pour les femmes sans abri, particulièrement à Bruxelles, où l’absence criante de toilettespubliques les place dans une situation de vulnérabilité extrême. Là où les hommes peuvent accéder à des urinoirs à chaque coin de rue, les femmes doivent constamment trouver des solutions discrètes, révélant une inégalité profonde dans l’accès aux besoins les plus fondamentaux. Mais ce n’est là que la partie visible de leurs souffrances. Car à cette marginalisation s’ajoute une exposition constante à un risque accru d’agressions sexuelles, ce qui les place dans une situation d’hypervigilance permanente.»