Maria, jeune maman souffrant de schizophrénie : « La Casa, c’est comme une petite école pour moi »
27/12/2024
En couple avec un opposant politique au régime vénézuélien, Maria décide d’accompagner son conjoint quand celui-ci, en danger, fuit le pays. Avec leur petite fille, ils arrivent en Belgique en 2019. Mais un problème de santé mentale vient jeter le trouble dans la vie de cette jeune maman déjà fragilisée par un parcours familial et de migration difficile.
“Dès notre arrivée, nous avons tous les trois introduit une demande de protection internationale. Et puis j’ai décidé de quitter mon compagnon : sur notre route, nous avions fait une halte en République Dominicaine, où il a rencontré une femme et lui a fait un enfant. Je ne supportais plus l’idée. Notre vie à trois s’est arrêtée là : je suis restée seule avec ma fille dans le centre Fedasil où nous vivions à trois jusque là. “
Ainsi débutent les premiers mois de la nouvelle vie de Maria en Belgique. Elle obtiendra sa carte Orange et travaillera. Mais le Covid fait son apparition. Et avec lui, les premiers signaux de dépression pour la jeune maman. « J’ai commencé à repenser à ma vie au Vénézuela. Je suis tombée malade dans ma tête. »
Pendant ces mois de Covid, la petite passe tous les weekends chez son papa. Maria apprend que sa demande de protection internationale est refusée. Elle retourne s’installer chez son ex. Mais ce semblant de stabilité familiale retrouvée ne chasse pas la maladie. Au contraire, elle empire. « Je pensais que la police me cherchait. Il y avait des voix dans ma tête, j’avais des hallucinations visuelles. Trop de choses bizarres qui me faisaient trop mal émotionnellement, j’ai pensé au suicide, je m’auto-mutilais. Je criais souvent, très fort. Le père de ma fille avait peur de moi. Et moi, de lui, je pensais qu’il était le diable. »
Et puis on frôle le drame. « J’ai voulu me jeter du 5eme étage. » Police, ambulance, hôpital. Le diagnostic tombe : Maria a fait une décompensation psychotique. Elle souffre de schizophrénie. Après deux mois d’hospitalisation, il sera décidé, en accord avec Maria et son ex, que c’est lui qui gardera la petite. Maria est lucide : « Reconnaître que je ne pouvais pas m’occuper de ma fille, c’était la protéger.»
Maria est sans solution d’hébergement. C’est son psychiatre qui l’oriente vers le centre d’accueil d’urgence pour femmes du Samusocial. Elle est sous traitement, mais pas encore stabilisée. « C’était la catastrophe. Je criais beaucoup, les voix dans ma tête m’ordonnaient un tas de choses, que je faisais… La journée, je sortais dans la rue, c’est là que j’ai beaucoup appris le français. Et puis j’ai pratiqué la mendicité. Mais jamais, jamais, jamais la prostitution. » Doucement, la santé mentale de Maria s’améliore, à force d’adaptations de son traitement. Avec son assistante sociale, elle introduit une demande 9ter*, recevable puis validé.
Pour récupérer son titre de séjour, il lui faut une adresse, une domiciliation plus précisément. C’est chose possible dans les Casas du Samusocial, logements de transition dédiés aux femmes isolées et mamans célibataires, où l’on travaille à ouvrir les droits des femmes qui y séjournent.
Après plusieurs mois d’imbroglio administratif, elle récupère le précieux document. Mais le temps a passé, et il expire dans deux mois. Sophie, responsable des Casas, déplore un système administratif kafkaïen : « La réponse pour Maria était positive, elle avait les droits, mais on ne les lui concédait pas ». Une situation qui mettrait les nerfs de plus d’un à rude épreuve… mais Maria ne baisse pas les bras et se bat encore. Elle pourra faire prolonger son titre de séjour. « Aujourd’hui, c’est tout bon pour Maria », partage Sophie avec un sourire soulagé.
A présent, Maria est stable psychologiquement. Sa fille lui rend visite tous les weekends. Elle travaille et économise pour financer sa future formation de coiffeuse et d’esthéticienne. Elle confie : « je voudrais avoir mon propre salon et institut, à Bruxelles, j’aime cette ville. J’étudie le français, le néerlandais et puis l’anglais. » Avant de pouvoir voler de ses propres ailes, Maria reste en soutien à la Casa Vesta. « La Casa, c’est comme une petite école pour moi. J’y apprends à me débrouiller, à gérer le quotidien, à économiser. Et puis j’aime la convivialité avec les autres femmes. »
Retrouvez l’histoire de Maria et d’autres femmes hébergées dans les Casas du Samusocial dans l’exposition « Derrière le Brouillard – Des femmes se racontent à partir d’une cicatrice » : plus d’infos
*9ter : demande de régularisation pour raison médicale.