Nora, travailleuse sociale en maraude de nuit : “l’échange est au cœur de chaque rencontre”
25/10/2024
Je m’appelle Nora et je suis travailleuse sociale en maraude de nuit avec le Samusocial depuis deux ans aujourd’hui. Mon travail consiste à aller à la rencontre des personnes sans abri qui vivent dans la rue, les métros, les squats et autres lieux précaires. L’équipe mobile d’aide est composée de 5 personnes : 3 travailleur·euses sociales, une infirmière et une psychologue.
Nous fonctionnons en alternance avec une autre équipe de nuit, ainsi qu’une équipe de jour, ce qui nous permet d’assurer une présence quasi continue 24h/24, 7j/7, dans toute la région bruxelloise.
L’objectif premier est de maintenir le lien social avec les personnes exclues de la société, en portant une attention particulière aux plus vulnérables. On distribue également couvertures, eau, nourriture, produits d’hygiène et vêtements pour subvenir aux besoins de première nécessité des personnes que nous rencontrons. On s’efforce enfin d’informer, d’accompagner et d’orienter quand c’est possible, soit vers les centres d’hébergement d’urgence pour hommes, femmes ou familles, soit vers l’hôpital ou d’autres partenaires.
On démarre notre nuit en prenant connaissance des ‘signalements’*. On sillonne toute la ville pour répondre aux demandes et on fait aussi de la prospection afin d’aller vers celles et ceux qui ne nous connaissent pas encore ou qui n’appellent plus. La rue est un milieu extrêmement dur ; en plus de la lutte quotidienne pour la survie, des intempéries, les agressions et les vols sont récurrents. L’alcool et la drogue offrent parfois une échappatoire quand la réalité se fait trop sombre.
Le dernier dénombrement faisait état de 7134 personnes sans logement à Bruxelles. Parmi elles, il y a des hommes, des femmes, des familles qui ont été expulsé·es de leur appartement, déclaré insalubre ou à la suite d’une perte d’emploi. Il y a celles et ceux qui perçoivent un revenu du CPAS mais qui ne trouvent pas de logement car les loyers sont trop élevés et que les propriétaires ne les acceptent pas. Il y a des femmes, avec ou sans enfant(s), victimes de violences conjugales qui dorment sur un coin de canapé. Il y a des individus qui souffrent d’addictions ou de problèmes psychologiques qui requièrent un accompagnement adapté. Il y a des gens qui sortent d’institutions, sans solution de logement. Il y a des demandeurs d’asile en attente d’une place d’accueil. Il y a des MENA (mineurs étrangers non accompagnés) qui débarquent en Belgique sans repères, ou encore des jeunes en rupture familiale. Il y a des personnes sans papiers qui ne demandent qu’à travailler mais dont la situation administrative ne leur permet pas de trouver un emploi stable.
Le plus difficile dans ce travail, c’est de se retrouver démuni·e·s face à certaines situations car elles sont liées à des problèmes structurels : augmentation de la précarité, pénurie de logements sociaux et loyers inabordables, crise de l’accueil, irrégularité du séjour, listes d’attente à rallonge pour les cures et les soins psychologiques ou psychiatriques.
Mais ce que j’aime en maraude, c’est le côté humain : l’échange est au cœur de chaque rencontre. La nuit, quand les rues sont désertes, on se sent dans une bulle et cela crée une ambiance vraiment particulière. Bien sûr, on est confronté·es à des situations terribles, mais on essaie avant tout d’être à l’écoute et d’apporter un soutien à notre échelle. Au travers de discussions, de sourires, de rires, bref de chaleur, on retrouve un semblant d’humanité face à une situation inhumaine. Chaque nuit est différente, donc porteuse d’espoir.
* les signalements reçus par les équipes mobiles du Samusocial peuvent provenir des personnes en demande d’aide, de citoyens, de partenaires du secteur ou de services partenaires (hôpitaux, Police etc) …