Rencontre avec Jahia* et Kemajou*, parents de 3 enfants
11/09/2022
Jahia : « Nous sommes originaires du Cameroun et nous sommes arrivés en Belgique l’année dernière. On est partis car nos familles étaient contre notre union à cause de nos religions différentes »
Kemajou : « Je suis musulman et ma femme est protestante. Malgré que nos familles s’opposent à notre couple, nous avons eu 2 enfants. L’amour est plus fort… Un ami m’a dit qu’il y avait du travail au Niger, nous avons donc décidé de partir. En réalité, il n’y en avait pas, alors nous avons changé de pays » …
Kemajou poursuit : « Ensuite, nous sommes passés par l’Algérie, la Libye et l’Italie pour enfin arriver en Belgique. En Libye c’était très dur car nous avons été emprisonnés pendant 6 mois ! Ils nous traitaient comme des esclaves parce qu’on est noirs… On nous a frappé et uriné dessus… C’était l’enfer, nous avons vu tellement de gens mourir assassinés que c’était devenu normal de voir des cadavres partout autour de nous. Les enfants sont traumatisés. Ils devront vivre avec ça toute leur vie. »Jahia se confie également : « Je me suis faite violer alors que j’étais enceinte de notre troisième enfant » .
Kemajou tient à raconter leur traversée de la méditerranée en zodiac : « Le zodiac était troué et la mer était tellement violente que j’ai eu le tympan percé. On essayait de maintenir la tête des enfants hors de l’eau… J’ai cru que nous allions mourir là. » Heureusement, la famille a été secourue par un bateau italien.
A présent, ils sont hébergés dans un centre pour familles du Samusocial et les enfants consultent la psychologue de la Cellule Petite Enfance : « Avant, notre fils cadet refusait d’être dans la même pièce qu’une personne blanche et c’était impossible qu’un blanc le touche : pour lui, les blancs sont associés à des personnes qui frappent, qui sont méchantes, à cause de la torture que nous avons subie quand on était emprisonnés en Lybie. Aujourd’hui, il n’associe plus les blancs à des personnes dangereuses, il a même plein de petits copains blancs, » explique Jahia.
« Grâce à Dieu nous sommes encore vivants. C’est un miracle que nous soyons encore en vie. Je voulais mettre les enfants à l’abri. La seule chose qui nous a fait tenir ce sont nos enfants, quand je les regarde, je sais que je dois me battre pour eux » , se livre une dernière fois Kemajou, avant d’être envahi par ses émotions.
*Noms d’emprunt