Rencontre avec Serge-Patrick qui s’est retrouvé à la rue du jour au lendemain

07/09/2023

Serge-Patrick, 56 ans, divorcé, 2 enfants

Comment vous êtes-vous retrouvé à la rue ?

Je suis allé au Congo, ça faisait très longtemps que je n’étais pas retourné dans mon pays natal. J’y suis resté 3 mois, j’avais besoin de me ressourcer et de voir ma famille, ça faisait des années que je ne les avais pas vus.

À mon retour, le propriétaire, puisque je devais 3 mois de loyer, n’a pas voulu discuter. Il a préféré récupérer son bien, raison pour laquelle je me suis retrouvé sans logement. Ça s’est passé à l’amiable, je lui ai rendu les clés et je suis parti.

Je viens de Liège. Je ne voulais pas traîner dans Liège. J’ai préféré aller à Bruxelles, là où je passerai inaperçu. Je ne voulais pas qu’on me reconnaisse, c’est gênant, je trouve.

Comment avez-vous fait en rue ?

C’était infernal. Il faisait très froid. Je dormais dans des cages d’escaliers. Une fois, le matin, les occupants descendaient, ils me voyaient, certains comprenaient, d’autres me disaient : “non monsieur, vous ne pouvez pas rester là”. Je leur expliquais que je n’avais pas le choix, en leur disant que j’étais à la rue et que je n’avais pas d’endroit pour dormir. On a menacé d’appeler la police plusieurs fois.

Aviez-vous peur qu’il vous arrive quelque chose ?

Bien sûr, il y a toujours cette angoisse, cette peur, mais bon, il y a des fois où il faut surpasser la peur, on n’a plus le choix. Ce qui m’arrivera, m’arrivera.

Comment avez-vous fait pour manger ?

Je demandais aux gens, comme ça dans la rue, ou alors je demandais à des restaurateurs, s’ils n’avaient pas de restes… J’avais trouvé une pizzeria qui me dépannait un peu.

Comment avez-vous fait pour vous laver ?

En rue, j’ai dû rester plusieurs jours sans prendre ma douche. Je me débarbouillais au mieux. Je rentrais dans un café, si j’avais 1,50 €, je prenais un café, puis j’allais dans les toilettes du café et je me débarbouillais, au moins j’avais le visage un peu plus propre. C’était de la survie.

Combien de temps êtes-vous resté dans la rue ?

Je suis resté en rue pendant 2 semaines d’affilée. Un jour, j’étais à la gare du midi, mais je ne m’y sentais pas en sécurité, j’ai préféré chercher des entrées d’immeuble et pour me réchauffer, je me couvrais avec ma veste.

Je changeais tous les jours d’immeuble. La première fois, j’ai fait l’erreur de rester 2 jours d’affilée, il y a eu un locataire qui est venu me voir et qui m’a dit : “encore vous, ce n’est pas possible, je vais appeler la police”.

En étant à la gare du midi, on m’a dit que le Samusocial pouvait m’aider. Moi, je ne connaissais pas.

Ce jour-là, j’ai appelé le numéro vert du Samusocial. Ils sont venus et ils m’ont offert du café et une couverture. Je me sentais mieux, c’était un petit confort d’avoir une couverture, sachant que j’avais seulement ma veste pour me couvrir la nuit.

Ce soir-là, j’ai eu une place pour dormir au Samusocial. Parce qu’il a quelques places d’urgence pour les personnes qui ne sont jamais venues au Samusocial.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Ce qui me motive c’est que le Samusocial me donne un peu d’hospitalité, ça me donne le courage de me lever le matin, de faire mes recherches pour un logement, tout en sachant, que ce soir, je sais que je peux dormir au centre d’hébergement du Samusocial.

Je ne pouvais pas rester dans la rue, j’aime prendre soin de moi, je ne suis pas quelqu’un qui se laisse abattre. Dans toutes les situations, je garde toujours la tête sur les épaules et les pieds sur terre.