Rencontres avec Emilie et Jessie, psychologues au Samusocial : Episode 2
20/08/2024
Emilie et Jessie sont psychologues au Samusocial. Elles nous racontent leurs expériences et le cœur de leur travail. Pour retrouver le premier et le dernier épisode de cette interview, rendez-vous sur la page actualités du Samusocial.
Jessie, quelles sont les différences entre l’action de l’équipe mobile de jour et celle de la maraude de nuit ?
Jessie : L’essence même de l’action ne diffère pas énormément, mis à part le fait que l’équipe de jour est plus à même de prendre contact avec des partenaires, des services sociaux, puisque tout est fermé la nuit. Donc ils font plus d’accompagnements, et les déposent à leurs différents rendez-vous. Nous on se concentre sur l’écoute et le lien social. Et quand il y a besoin d’un accompagnement pour une démarche, on renvoie l’information à la maraude jour qui s’en occupera.
Mais en tant que psychologue, on fait le même travail: on relève les symptômes et les critères de vulnérabilité. Lorsqu’une personne n’a pas conscience de ses troubles et refuse de se soigner alors qu’elle représente un réel danger pour elle-même ou pour autrui, par exemple, on peut lancer une procédure Nixon* qui est une mise en observation sous contrainte. C’est très rare que l’on active cette procédure car elle est très violente à vivre pour l’usager.
Est-ce qu’en maraude, vous revoyez souvent les mêmes personnes et arrivez à tisser des liens et une relation de confiance ?
Jessie : Oui il y a des personnes que l’on connaît bien. Souvent, leur première préoccupation concerne leurs besoins primaires. L’expression de leur souffrance vient souvent plus tard. Les problématiques exprimées sont liées aux assuétudes, mais ce n’est pas leur priorité. Il y a aussi un manque d’intimité : comme parfois leurs amis sont avec eux, elles ne peuvent pas forcément se confier, ce qui complique notre travail d’évaluation de la situation globale de la personne.
Vous conduisez toutes les deux les personnes que vous rencontrez vers des centres de santé mentale, est-ce que le système belge fonctionne bien ?
Emilie : Sincèrement, je trouve que c’est de pire en pire, surtout avec la restriction de l’accès aux soins en psychiatrie à Bruxelles. Même s’il y a des bonnes structures qui existent, tout est saturé. Entamer un nouveau suivi avec un psychiatre prend des mois d’attente. Ce n’est pas le seul secteur à être saturé. Par exemple, j’accompagne des jeunes dans leur parentalité. En effet, il y a pas mal de jeunes filles qui sont devenues maman dans le projet, donc je suis amenée à beaucoup collaborer avec les services d’aide à la jeunesse (SAJ, SPJ, tribunal de la jeunesse). En ce moment, on a 35 personnes en logement, et 11 enfants. J’ai dû me former, car intervenir dans les familles, soutenir la parentalité, c’est devenu une grande part de mon travail. Mais l’aide à la jeunesse est saturée aussi, donc ça devient compliqué d’avoir des réponses rapides quand on en a besoin.
*La procédure Nixon est une procédure d’urgence d’admission forcée initiée par la police et ratifiée par un magistrat.