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Samusocial

Reportage : une nuit en maraude

07/02/2023

Janvier 2023, Bruxelles. Voilà quelques jours que le froid a signé son retour en force dans la capitale. Il est 19h30 et, sur le Boulevard Poincaré, les passants pressent le pas pour rentrer chez eux avant que la nuit ne dérobe au thermomètre quelques degrés supplémentaires. Devant notre hébergement d’urgence, quelques hommes fument une cigarette. Cette nuit, ils seront 270 à dormir au centre.

Sept étages plus haut, perchés dans un bureau surplombant le centre-ville, les maraudeurs de l’équipe de nuit s’activent avant de prendre la route. Jusqu’au petit matin, Geneviève, Edmond et Adnan arpenteront les rues de Bruxelles à la rencontre de celles et ceux qui y dormiront ce soir. Avant même de partir, une dizaine de signalements attendent nos maraudeurs. Envoyés par des particuliers comme par des partenaires du secteur associatif, certains sont précis et documentés, d’autres feront appel aux talents de détective de l’équipe.

Une fois établie la liste des signalements de personnes à aider en rue, Geneviève, Edmond et Adnan se rendent au sous-sol pour charger la camionnette. Les bouilloires vrombissent, les thermos se remplissent, les boites de thon s’empilent dans le coffre déjà chargé de bouteilles d’eau, de kits d’hygiène et de couvertures. Dans son sac, Geneviève, l’infirmière de l’équipe, emporte du matériel de premiers secours. Edmond charge quant à lui la camionnette de grandes caisses de vêtements en tout genre, venus tout droit de dons privés récoltés par Solidarité Grands Froids. L’autoradio est réglée sur la fréquence musicale remportant la majorité des suffrages, Adnan démarre le moteur : la nuit peut commencer.

Après une dizaine de minutes, la camionnette du Samusocial rejoint la Rue Haute à la recherche d’un homme repéré plus tôt dans la journée par un particulier. Personne à l’horizon – les maraudeurs passent au signalement suivant, soucieux de repasser plus tard dans la nuit.

Non loin de la rue Antoine Dansaert, Geneviève, Edmond et Adnan rencontrent Viktor, couché sur un matelas de fortune à l’entrée d’un immeuble d’appartements. Son visage leur est familier. Arrivé de Roumanie il y a des années, Viktor a d’abord travaillé dans le bâtiment avant de connaître d’importants problèmes de santé. Sans-papier, il perd son logement en même temps que son travail. « Elle est belle, la vie, vous savez ». « Mais pas sans protection sociale », marmonne-t-il. Après l’avoir ravitaillé de bouteilles d’eau et de boîtes de thon, nos maraudeurs prennent le temps de l’écouter. De longs silences ponctuent leurs échanges, Viktor se confie à son rythme. Ce soir, il reçoit plus qu’une aide matérielle : il reçoit un peu de temps.

Après avoir rencontré Viktor, nos maraudeurs remontent dans la camionnette. Leur itinéraire les mènera non loin de l’hôpital d’Ixelles, où ils distribueront quelques paires de gants, avant de rejoindre le boulevard Reyers, où un homme dort discrètement derrière les arbres longeant l’autoroute. La maraude de jour était passée quelques heures plus tôt mais s’était inquiétée de ne pas le retrouver. Après lui avoir offert une couverture et s’être enquis de sa santé, nos maraudeurs arrivent avenue Louise. Ils y croisent James, qui les avait appelés quelques heures plus tôt. « Juste une couverture aujourd’hui ? », s’exclame-t-il le sourire aux lèvres. « La fois passée, vous m’avez donné des super chaussures, c’est la crise maintenant, c’est ça ? », ajoute-t-il le ton léger.

L’échange se poursuit brièvement, mais l’heure tourne : il est presque une heure du matin, et les dernières stations de métro s’apprêtent à fermer leurs portes. Un dernier tour à la rencontre de ceux qui y passeront la nuit s’impose.

Minuit trente. Les stations de métro vont bientôt fermer leurs portes et notre équipe de maraudeurs y fait un dernier tour. Dans un coin particulièrement en proie aux courants d’air dorment quatre hommes. Pour eux, passer la nuit au Samusocial ne semble pas être une option : la consommation de drogue y est interdite et leur assuétude est trop avancée. Arriver à l’heure dite au centre est un défi qui leur paraît aujourd’hui hors de portée. Alors que Geneviève recueille les confidences d’un homme sur la rudesse de l’hiver, un jeune discute longuement avec Adnan : il tente de se sevrer et aimerait trouver du travail. Quelques adresses d’agences d’intérim notées sur un bout de papier constituent déjà un premier pas dans cette direction.

Une heure du matin. Notre équipe de maraudeurs quitte la dernière station de métro de la soirée, prêts à poursuivre leur quête en rue jusqu’au petit matin. Cette nuit, ils croiseront encore la route de bien d’autres hommes et femmes. Sur le piétonnier du centre-ville, ils rencontreront par exemple Nicolas, qui n’a plus dormi au Samusocial depuis 5 ans. Mais ce soir, l’abri dans lequel il dort a été pris pour cible par des voleurs, qui se sont enfuis avec toutes ses affaires. Geneviève, Edmond et Adnan lui font une place sur le siège arrière et l’emmènent dans notre centre pour hommes seuls qui, par chance, dispose encore d’un lit pour l’accueillir ce soir.

En 2021, les maraudeurs du Samusocial ont enregistré 10 627 rencontres en rue : 10 627 moments d’écoute, de ravitaillement ou de soins infirmiers. « Merci d’être passés » : telle est la conclusion qu’entendent souvent nos équipes au moment de repartir. Gageons qu’après leur passage, les hommes et les femmes qui auront croisé ce soir la route de Geneviève, Edmond et Adnan s’endormiront au moins le cœur un peu plus léger. Et comme disait Jacques Brel : « Et si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être »…

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