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Édito

« J’ai 23 ans. Cela fait presque un an que je suis ici, au Samusocial. Quand je suis arrivée, je n’avais rien. Dehors, je ne pouvais rien offrir à mon fils, pas un petit plaisir… c’est dur pour une maman. J’ai beaucoup pleuré. Quand il a eu un an, je n’ai pas pu organiser de fête. Cela fait à peine un mois que je touche le CPAS. Petit à petit la situation se débloque, et bientôt, je pourrai travailler lorsque mon fils ira à l’école. Pour l’instant je n’ai personne pour le garder, je n’ai pas les moyens de payer une nounou à plein temps ou la crèche. » Dalila, maman d’un petit garçon de 2 ans.

« A mon arrivée à Bruxelles j’ai dû dormir plusieurs nuits dehors, ça n’était pas facile, j’allais à la rencontre des gens mais certains d’entre eux n’aiment pas ça. Après plusieurs tentatives, on m’a expliqué les étapes à suivre pour faire une demande d’asile. Je me suis rendu au Petit Château. J’ai dormi devant pendant 2 nuits. Puis on m’a envoyé ici, au Samusocial. Mais là je ne me plains pas, franchement, je suis en sécurité. » Gary, Mineur Etranger Non Accompagné (MENA), 16 ans.

L’année 2021 aura été exceptionnelle pour le Samusocial. Nos équipes ont dû relever plusieurs défis de front : la poursuite de l’épidémie Covid-19 et des mesures pour y répondre, l’augmentation du nombre de familles en rue et la crise de l’asile qui a laissé chaque nuit de nombreux demandeur·euse·s de protection internationale sans solution d’hébergement.

En 2021, notre dispositif d’aide aux personnes sans abri a fonctionné avec une capacité d’accueil extraordinairement élevée, conséquence des ouvertures de places réalisées à partir de mars 2020 en réponse à la crise sanitaire du Covid-19. Un défi de taille se posait, en 2021 comme en 2020 : protéger les personnes sans abri en permettant leur confinement, limiter la promiscuité au sein des centres en garantissant les distances nécessaires, réduire les trop gros volumes d’hébergement et réduire le turn-over. 

En 2021, 8.800 personnes ont été hébergées et accompagnées par le Samusocial, soit 6.112 personnes sans abri –  dont 1.295 enfants – et 2.688 demandeur·euse·s de protection internationale. 1.647 personnes sans abri ont été orientées par nos équipes vers des solutions de sortie de rue ou de l’accueil d’urgence. Lorsque l’on connaît la complexité de certaines situations, ce résultat rappelle l’importance de prévoir une offre d’accompagnement de qualité dans chacune de nos structures d’accueil.

La pandémie de Covid-19 a engendré une adaptation conséquente de nos manières de fonctionner et d’accueillir notre public. Depuis 2020, l’ensemble de nos centres est passé à un accueil de type résidentiel, 24h/24, une première dans l’histoire du Samusocial qui offrait majoritairement un accueil de nuit auparavant. Nous sommes également parvenus à maintenir ouvert notre centre spécifique pour femmes, permettant un accueil et un accompagnement qui ont immédiatement prouvé leur efficience en termes de recherche de solutions de sortie de rue. L’enjeu actuel est de pouvoir pérenniser ce programme d’accueil non mixte au-delà de 2022.

2021, c’est également et encore ce constat inquiétant de l’augmentation constante du nombre de familles sans abri. Malgré une capacité d’environ 450 places pour familles à l’entame de l’hiver, certains soirs, nos équipes mobiles dénombraient jusqu’à 80 personnes en familles visibles dans les rues de Bruxelles, dont plus de la moitié étaient des enfants… Malheureusement, bien trop souvent, la saturation de nos structures nous oblige à refuser des personnes qui nous appellent pour être logées au Samusocial. Et si nous sommes, avec nos partenaires de terrain, défenseurs d’une politique de “zéro enfant en rue”, nos équipes doivent toutefois se résoudre à refuser certains soirs plusieurs familles avec enfants en demande d’hébergement. 

Enfin, 2021 est une année marquée par une nouvelle crise de l’asile, le réseau national d’accueil pour demandeur·euse·s de protection étant saturé et nécessitant l’ouverture de nouvelles places. C’est dans ce contexte que nous avons renforcé l’action des équipes mobiles à destination des candidat·e·s réfugié·e·s devant dormir en rue et ouvert un centre de pré-accueil pour demandeur·euse·s d’asile à Molenbeek afin d’augmenter la capacité d’hébergement de première ligne de Fedasil. Ce centre de 70 places s’ajoute aux deux autres centres déjà ouverts, à Etterbeek et Koekelberg.  

Nous accueillons ainsi aujourd’hui quelque 650 demandeur·euse·s d’asile par nuit sur Bruxelles, répartis dans trois centres. Parmi eux, des dizaines de Mineur·e·s Etranger·ére·s Non Accompagné·es (MENA). 

Personnes sans abri, demandeur·euse·s de protection internationale, personnes sans papiers… des problématiques différentes mais qui sont étroitement imbriquées et doivent être considérées comme telles dans la mise en œuvre des réponses opérationnelles et des politiques publiques. 

Les constats et les chiffres 2021 illustrent précisément la complexité du travail réalisé chaque jour par nos travailleur·euse·s sociaux·ales, psychologues, infirmier·e·s, médecins, … Dans le cadre de capacités d’accueil et d’intervention limitées, il s’agit de pouvoir venir prioritairement en aide aux personnes les plus vulnérables mais également aux personnes pour lesquelles un soutien ponctuel permettra une sortie de rue rapide, afin d’éviter qu’elles n’augmentent encore la population sans abri. C’est ici l’enjeu fondamental de nos actions : différencier le soutien offert selon les types de vulnérabilités et accompagner vers des solutions de sortie de rue les plus durables possibles.